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Francis Ngannou, ancien sans-papiers à Paris devenu star mondiale de MMA

Dernière mise à jour : 26 janv. 2022



L’ancien migrant camerounais, SDF à Paris il y a dix ans, a été sacré une nouvelle fois homme le plus fort du monde. Face au Français Ciryl Gane, samedi, Francis Ngannou a conservé son titre de champion des poids lourds de MMA. De Batié à Los Angeles en passant par Paris, France 24 revient sur un destin hors du commun.


"Déterminé". C’est l’adjectif qui revient le plus souvent dans la bouche de ceux qui ont croisé son chemin. Le Camerounais Francis Ngannou, surnommé l’homme le plus fort du monde depuis qu’il a décroché le titre de champion du monde poids lourd MMA de l'UFC (Ultimate Fighting Championship) en 2021, aurait pu se laisser décourager plus d’une fois. Mais, malgré la multitudes d’obstacles entre son pays natal et la France, il a découvert le sport qui a fait de lui un homme riche en 2015.


À chaque combat, le sportif qui vit désormais à Los Angeles, empoche plus de 500 000 dollars (470 000 euros). Montre de luxe, villa et belle voiture américaine. Loin de lui le temps où il dormait dans une vieille Range Rover abandonnée dans le coin d’un parking sous-terrain à Paris. Une période dont il témoigne sur les réseaux sociaux pour rappeler ce qu’il a enduré, sans évoquer les détails les plus douloureux. Pourtant, "si mon petit frère de 18 ans voulait aller en Europe, je lui dirais de ne pas le faire. Je connais trop bien les risques encourus", confiait-il en 2018 à InfoMigrants.



Les démons de l'enfance


Arrivé un dimanche d’été 2013 dans la capitale française, sans-papiers et sans le sou, Francis Ngannou a alors 27 ans. Très vite, il préfère la rue au foyer pour migrant qu’il trouve "sale et insalubre" et où "il sent trop de négativité". "Je ne voulais pas être découragé", disait-il à Infomigrants. Car le jeune Camerounais a une idée en tête : faire de la boxe à tout prix. C’est pour cette raison qu’il a quitté le Cameroun un an plus tôt, sans savoir où il allait atterrir en Europe.


Colosse de 1,93 m pour plus de 110 kg, sa carrure impressionne. Il a découvert la boxe dans un petit club de Douala à l’âge de 22 ans. Elle sera pour lui un exutoire, une manière de canaliser son énergie. Car de l’enfance, Francis Ngannou traîne des démons. "Mon père était un homme violent. Il nous frappait souvent, ma mère, mes frères et sœur, et moi (…) J’ai su à travers lui ce que je ne voulais pas être", confiait encore en 2018 le géant à Infomigrants.


Dans ses souvenirs d’enfance, il y a aussi la mine de Batié, son fief natal, situé sur les hauts plateaux de l’ouest camerounais. À 10 ans, comme les autres petits du village, il creuse dans une carrière de sable pour payer sa scolarité. Un travail épuisant qu’il évoque sur les réseaux sociaux.



Francis Ngannou a toujours cru en son étoile, explique-t-il dans les interviews qu’il accorde. Il s'imagine un destin et prend le chemin de l’exil, un jour de 2012, sans prévenir sa famille, avec pour seul bagage un petit sac à dos.


Les barbelés de Melilla


Comme de nombreux migrants, il traverse le Niger et l’Algérie avant d’arriver au Maroc, où il tente de passer les barbelés de l’enclave espagnole de Melilla. Il en garde des balafres sur la main, les côtes, les jambes, les pieds. "Je ne pourrai jamais les oublier", raconte-t-il. Puis vient l’épreuve de la traversée de la Méditerranée. Francis Ngannou devra s’y prendre à plusieurs reprises. Ce n’est qu’au bout de la septième tentative qu’il parvient à atteindre l’Espagne. Emprisonné durant deux mois pour entrée illégale dans le pays, il rejoint ensuite la France par bus.


À Paris, lors d’une maraude, il est repéré par une bénévole qui le présente au directeur de l’association humanitaire la Chorba, dans le XIIe, Khater Yenbou. "Il nous a aidés pendant des mois à préparer les repas. Il épluchait les légumes. Il était timide et discret mais toujours très sociable et adorable. Il était et il est toujours une belle personne", se souvient le militant, interrogé par le Parisien.



Passé par une usine à champions à Paris


La chance frappe à la porte de Francis Ngannou lorsque Khater Yenbou le présente à l’entraîneur Didier Carmont. Il accepte de lui ouvrir les portes de son club sans lui demander de payer. "Didier m’a alors donné 50 euros, juste comme ça, sans me connaître. Aujourd’hui encore, je ne sais toujours pas pourquoi il l’a fait mais cela a tout changé. Avec cet argent, je suis allé au Go Sport juste à côté du parking que je squattais. Je me suis acheté un sac, une serviette et le samedi suivant, j’étais aux entraînements pour faire le sparring-partner", raconte le champion au Parisien. Didier Carmont lui conseille alors de tenter sa chance dans le MMA et lui présente Fernand Lopez, fondateur de la MMA Factory, la boxe étant un milieu "trop fermé".


Très vite Francis Ngannou fait des ravages. "Sa réputation est telle que certains de ses adversaires préfèrent déclarer forfait plutôt que de l’affronter", résume Fernand Lopez. Il est repéré par la ligue américaine, l’UFC, qui le recrute pour en faire une star internationale. Fort de son succès il obtient un visa de travail aux États-Unis et un titre de séjour temporaire en France.


Or, depuis son départ pour les États-Unis, les deux hommes sont brouillés. Mais l'entraîneur actuel de Ngannou reconnaît les mérites de Lopez dans la formation du "Predator".


Ironie du sort, le Français Ciryl Gane, que Francis Ngannou a battu samedi, est un ancien camarade de la MMA Factory française. Un adversaire coaché par Fernand Lopez. Dans ce décor planté, l’histoire commune liant Ciryl Gane et Francis Ngannou a nourri le suspense avant ce que la presse a qualifié de "combat de l'année" dans une discipline de plus en plus populaire en France avec environ 50 000 pratiquants.


Au Cameroun aussi, Francis Ngannou a rendu le MMA populaire à Batié, où il a fait construire une académie pour former les jeunes en 2019. Au village, où le colosse se rend de temps en temps, des affiches du champion sont disséminées un peu partout. Les soirs de combat, les habitants s'agglutinent devant les écrans des buvettes. Nul doute que ses fans camerounais ont fêté la victoire de l'enfant du village, même si la Coupe d’Afrique des nations captive déjà le pays organisateur.


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